Alphonse de Lamartine était un poète, romancier ainsi qu’un homme politique (Député, Ministre des Affaires Étrangères de février à mai 1848).
Il est né à Mâcon le 21 Octobre 1790 et passe une grande partie de son enfance à la campagne à Milly.

Son père est un noble, Pierre de Lamartine qui possède le titre de Chevalier de Prat et le grade capitaine dans l’armée. Sa mère Alix des Roys est la fille de l’intendant général de M. le duc d’Orléans.
Lamartine est un voyageur dans l’âme, ce qui pourra expliquer ses pérégrinations en Orient et son attrait pour la Turquie et l’Empire Ottoman. Pourtant, il est au départ favorable à de profondes réformes au sein de l’Empire Ottoman au point d’annoncer son effondrement. Il change pourtant d’opinion et en deviendra un ardent défenseur.

Premier voyage en Orient

Son premier voyage en Orient en 1832 qui dura 16 mois le mène en Grèce, en Palestine, en Syrie au Liban et à Constantinople. C’est lors de ce voyage que sa fille Julia meurt de la tuberculose à Beyrouth. Il continue, malgré la douleur de la perte de son enfant, son voyage de retour qui le mène à Constantinople.
Lamartine est ébloui par la vue de la capitale ottomane, il y reste plusieurs semaines avant de rentrer dans ses terres au château Saint-Point en Octobre 1833.

Il décrit la ville en ces points :
« Tous ces bruits, affaiblis déjà par l’heure avancée : chants des matelots sur les navires, coups de rames des caïques dans les eaux, sons des instruments sauvages des Bulgares, tambours des casernes et des arsenaux, voix de femmes qui chantent pour endormir leurs enfants à leurs fenêtres grillées, longs murmures des rues populeuses et des bazars de Galata ; de temps en temps le cri des muezzins du haut des minarets, ou un coup de canon, signal de la retraite, qui partait de la flotte mouillée à l’entrée du Bosphore et venait, répercuté par les mosquées sonores et par les collines, s’engouffrer dans le bassin de la Corne d ’Or, et retentir sous les saules paisibles des Eaux-Douces d’Europe, tous ces bruits, dis-je, se fondaient par instants dans un seul bourdonnement sourd et indécis, et formaient comme une harmonieuse musique où les bruits humains, la respiration étouffée d’une grande ville qui s’endort, se mêlaient, sans qu’on pût les distinguer, avec les bruits de la nature, le retentissement lointain des vagues et les bouffées du vent qui courbaient les cimes aiguës des cyprès  » (Voyage en Orient, 1835)

Son activité politique en France

Après la révolution Française de février 1848 auquel il a pris part pour proclamer la deuxième république, il est nommé Ministre des Affaires Étrangères, mais son mandat sera de courte durée (4 mois).
Âgé de 59 ans, sa vie politique terminée, Lamartine croule sous les dettes, et est obligé d’hypothéquer le domaine où il a vécu. C’est à cette période qu’il envisage d’émigrer en Turquie et d’y finir ses jours.

La Turquie de cette époque est en pleine période de Tanzimat, l’époque des réformes et du souhait d’enrichir et de moderniser l’empire ottoman, notamment grâce aux prouesses technologiques de l’Occident.
Des grands vizirs tels que Mustafa Reşid Paşa ou Ali Pacha désiraient se tourner vers la culture française. D’ailleurs le français était une langue parlée dans l’administration ottomane. Lamartine ne pouvait être, de par son talent d’écrivain, et ses écrits sur l’Empire Ottoman, que la personne la plus en vue pour répondre aux besoins des pachas et du Sultan.

Relation avec la Sublime Porte

Le Grand Vizir Mustafa Reşid Paşa

C’est là qu’il se mit à établir une relation épistolaire avec le grand vizir Mustafa Reşid Paşa. (A ce sujet, celui-ci avait conservé toute sa correspondance avec Lamartine, ce qui explique qu’on ne la trouve pas aujourd’hui). Les deux hommes se rencontrent lors du second voyage en Orient de Lamartine, en Juin 1850.
Une lettre datée du 24 avril 1850 écrite au grand vizir, fait état d’une demande de Lamartine au Sultan Abdulmecid de lui accorder une ferme aux environs d’Istanbul, d’Izmir ou d’Izmit. L’historien Ahmet Refik a retrouvé le dossier concernant la propriété accordée par le Sultan à Lamartine, un domaine agricole en Asie Mineure, Burgaz-Ova, à Tire, dans les environs d’Éphèse.

Lettre de Lamartine au Sultan Abdulmecid

Voici la lettre écrite au grand vizir qu’il adresse au sultan Abdulmecid :
« J’ai l’honneur de soumettre à votre excellence la requête que j’adresse à S. M. I. le sultan. Comme vous le relèverez par sa lecture, les événements qui se sont déroulés en mon pays me mettent dans l’obligation d’aller ailleurs gagner mon pain.
« J’ai dans mes écrits et notamment dans mon livre (Voyage en Orient) tenu à marquer la droiture des Turcs et les sentiments de profonde amitié que je nourris envers eux. C’est ce qui me décide à me réfugier auprès d’eux. « Comme j’ai passé à la campagne la moitié de mon existence et que je connais les procédés en usage dans l’agriculture, j’aurais voulu que S. M. le Sultan daignât m’octroyer une terre sur laquelle j’édifierais une ferme que je dirigerais et exploiterais moi-même et dans laquelle je pourrais employer au moins cent personnes.
« Je désirerais surtout que son emplacement soit du côté d’Izmit ou près de la Marmara ou encore près de Smyrne. En effet, dans ce cas, ma femme ne serait pas privée en hiver des amusements de Constantinople.
« En vous soumettant cette demande, j’ai foi dans la haute sollicitude de S. M. I. le Sultan ainsi que dans la bienveillance de Votre Excellence.
« Dans le cas où une suite favorable serait donnée à ma supplique, la terre qui me serait concédée le serait en mon nom et pour en demeurer responsable, je ne l’exploiterais pas en association. « 

Le sultan accède à la demande de Lamartine par le biais du grand vizir qui est tout en joie d’accueillir en Turquie un lettré aussi renommé que Lamartine.

Un rêve qui prend fin

Cependant le rêve de Lamartine tourne court. Faute de capital suffisant, il ne peut entreprendre de s’installer durablement en Turquie pour exploiter ses terres. De retour en France à la recherche de capitaux qu’il ne trouva jamais, il abandonna l’idée de s’installer en Turquie. Nous ne savons pas s’il entreprit un troisième voyage qui l’amènera à rédiger Histoire de la Turquie en 1854. (Édition en huit volumes relatant l’Histoire de la Turquie du Sultan Osman jusqu’au Sultan Mahmud II)

Histoire de la Turquie, Alphonse de Lamartine.
(8 tomes, 1854, Librairie du Constitutionnel)

Vers la fin de sa vie, Lamartine est un homme ruiné, accablé de dettes, il doit se résoudre à vendre sa propriété de Milly. Il est logé par la République à Paris, dans un chalet du bois de Boulogne, avenue Henri Martin. Il meurt le 28 février 1869 à l’âge de 78 ans. Il repose auprès de sa mère, sa femme et sa fille dans son mausolée accolé au château de Saint-Point qui fut une de ses demeures.